Jules Vallès

Petite chronologie du réfractaire Vallès

 Dans « Un chapitre inédit de l’histoire du deux décembre » (8 septembre 1868), Vallès raconte comment il appartenait en 1851 à une petite bande, qui « était pour les mesures violentes et les coups hardis », laquelle faillit tuer « l’Empire dans l’œuf de la présidence », en se débarrassant de Bonaparte (le coup échoua).
 Dans le même article, il rapporte comment la même bande prépara le jour même du deux décembre « une manifestation spontanée, violente, téméraire », visant à « enfiévrer le peuple, ébranler les soldats » ; mais l’armée de Bonaparte a l’ordre de vider les échoppes des armuriers et les insurgés n’ont plus que leurs mains pour lutter et leurs yeux pour pleurer.
 Le 5 juillet 1853, il participe au « Complot de l’Opéra-Comique », qui vise à l’assassinat de Napoléon III : celui-ci échoue et Vallès doit purger une peine de six semaines de prison.

Vallès semble s’être calmé de 1854 à 1864, années durant lesquelles il se consacre à ses études et cherche à se faire un nom d’écrivain. En septembre 1864, l’Association Internationale des Travailleurs est fondée à Londres.

 Le 16 janvier 1865, Victor Duruy, ministre de l’Instruction publique, interdit à Vallès de prendre dorénavant la parole aux Entretiens littéraires de Lissagaray, où il aurait tenu « un langage inconvenant » et se serait livré à « des digressions politiques blâmables ».
 D’août à octobre 1865, il est envoyé spécial à Londres pour L’Époque.
 En mars 1866, le journal La Liberté de Girardin est sommé par le pouvoir de démettre Vallès de ses fonctions.
 Le 21 février 1868, après avoir publié un article sur la police, Vallès est condamné à un mois de prison pour « injures publiques par écrit envers des agents de l’autorité ».
 Condamnation à deux mois de prison le 27 octobre 1868 pour « excitation à la haine et au mépris du gouvernement ».
 Chef de bataillon de la Garde nationale, il prend possession de la mairie du XIXe arrondissement le 31 octobre 1870 « comme maire provisoire » : il se rend ainsi « coupable d’émeute contre un gouvernement établi, d’usurpation de fonctions publiques, de vol à main armée et d’escroquerie vis-à-vis des particuliers ».
 Le 7 janvier 1871, Vallès participe à la rédaction de l’Affiche rouge.
 Le 12 mars 1871, il est condamné à six mois de prison pour son appel à la « Grève des loyers ».
 Le 26 mars 1871, Vallès est l’un des trois élus du XVe arrondissement à la Commune de Paris.
 En mai 1871, il est membre de la Commission de l’enseignement de la Commune de Paris.
 En juin 1871, deux faux Vallès, dont un mouchard sont fusillés par la répression versaillaise.
 À l’automne, il gagne la Belgique, puis l’Angleterre, où il vit en exil jusqu’en 1880.
 En janvier 1872, il fonde le Cercle d’études sociales et participe aux travaux de la Commune révolutionnaire et de la Société démocratique socialiste
 Le 4 juillet 1872, Vallès est condamné à mort, par Contumace, par le 6e conseil de guerre « pour pillage, complicité d’assassinat sur les otages, complicité d’incendie » et comme « membre de la Commune ».

Deux témoignages contemporains

1) Jean Richepin, Les Étapes d’un réfractaire : Jules Vallès (1871), Préface de Steve Murphy, Seyssel, Champ Vallon, coll. « Dix-neuvième », 1993, p. 131-132 :
[Richepin raconte, à sa mode, la conférence de Vallès sur Balzac qui lui avait valu l’interdiction du 16 janvier 1865 (voir ci-dessus)]
« Il avait pris pour sujet Balzac, sa vie et ses œuvres. Il fit sensation : au point que la police dut intervenir et faire évacuer la salle […]. De Balzac, de sa vie et de ses œuvres, à peine un mot. Mais, en revanche, des paradoxes à foison, des idées bizarres, tout l’étalage de ses chimères voyantes et brutales, et cela dans un style cru, éloquemment réaliste, d’une virulence inouïe, dit de sa voix sourde et cassante. Le public interdit regardait avec stupéfaction cet énergumène à froid, qui gesticulait avec énergie, comme un boxeur voulant frapper la société et la tradition à coups de poing […]. Il mordait la famille, égratignait la propriété, crevait à coups de pied le ventre de l’ordre, cassait le nez à l’héroïsme, pochait l’œil aux arts, passait un croc-en-jambe à la philosophie, aplatissait la solennité qui, disait-il, nous écrase depuis quatre siècles, et finissait par mettre la société et la religion par terre sur les deux épaules, à bras-le-corps, en s’écriant : “Dieu ne nous gêne plus !” Il avait tombé la civilisation moderne, et il plantait sur cette ruine imaginaire le drapeau social en proclamant la souveraineté absolue du peuple. Tout le monde était bouleversé, aussi bien dans la salle que dans son discours. Les uns sortaient, les autres essayaient de murmurer ; la plupart étaient atterrés par tant d’audace. Il y en eut qui crurent à une mystification. La police crut à une révolte et creva tous ces ballons d’essai en fermant la porte. Vallès rayonnait ; et en sortant il dit à un ami : “Je les ai rudement épatés, hein ? Ce n’est pas fini ; ils en verront bien d’autres !” »

2) Edmond et Jules de Goncourt, « Lettre à Vallès », datée de 1866, reproduite dans Alexandre Zévaès, Jules Vallès. Son œuvre, Portrait et Autographe, Paris, Éditions de la Nouvelle Revue Critique, coll. « Documents pour servir à l’histoire de la littérature française (II/8), 1932, p. 34-35 :
[À propos de l’édition originale des Réfractaires dont Vallès leur avait fait parvenir un exemplaire]
« Vous avez l’observation qui va au cœur ; vous avez le superbe mot cru de la vérité nouvelle et moderne. Il passe, dans toutes vos pages, cette amertume généreuse et mélancolique que donne aux âmes tendres et hautes le spectacle des misères sociales. Vous montrez des coins de martyrs dans des grotesques de la Bohème. Vous devinez cette grande danse des morts de Paris qui s’en va à la fosse commune. Vous avez le souffle et la fièvre de ce temps-ci. Nous aimons ce que vous écrivez pour tout cela, et encore pour la forme, le tour rare, l’épithète qui peint, le coup de pouce vivant qu’on sent dans votre phrase. »